Emotions

Les émotions sont indispensables à la vie. Apprendre à les identifier, les écouter et les réguler permet d’améliorer le bien-être général, de faciliter les relations et d’être moins vulnérable face aux difficultés de la vie. C’est ce que l’on nomme des  “compétences émotionnelles”.  Elles sont considérées comme une ressource importante pour les individus, leur procurant une meilleure santé mentale et physique, de meilleures performances scolaires ou professionnelles et de meilleures relations sociales.

Pour l’adolescent qui traverse une période de vie remplie de transformations non seulement physiques mais aussi psychiques et émotionnelles, l’enjeu des émotions sera d’autant plus important.

Objectifs de l’animation

  • Favoriser la réflexion sur le mécanisme des émotions en général, et à l’adolescence en particulier
  • Permettre au jeune de prendre conscience de l’influence, positive et négative, des émotions sur ses comportements
  • Encourager les réflexions sur les différentes compétences émotionnelles (ex : régulation des émotions, expression, etc.)

 

 

Représentations de l’animateur

Avant d’entamer l’animation, il est fortement recommandé de vous questionner sur vos propres représentations liées à la thématique. En effet, lors du débat, les adolescents échangeront des idées (avis, opinions, arguments) auxquelles vous adhérerez ou au contraire auxquelles vous serez opposé. Et c’est tout à fait normal. Les expériences uniques de chaque individu façonnent la manière d’interpréter certains sujets.  Dès lors, les notions de respect, de jugement et de représentations sont étroitement liées.

En tant qu’animateur, il est donc essentiel d’être attentif à ses propres représentations, de ne pas les exprimer afin qu’elles n’interfèrent pas dans le débat des adolescents. Ils risqueraient de se sentir jugés et la spontanéité du débat en serait affectée.

Rappelons-le, l’important est que les jeunes puissent s’exprimer sans tabou, ni crainte d’être jugés. L’attitude de l’animateur doit être accueillante et respectueuse.

Si la thématique constitue un sujet sensible pour vous, il est par exemple possible de co-animer le débat avec une personne à l’aise avec le thème.

Théorie

Qu’est-ce qu’une émotion ?

Il est bien difficile de définir ce qu’est à proprement parlé une émotion. Et d’ailleurs, il n’existe pas de définition consensuelle du terme. Toutefois, les scientifiques s’accordent sur ce qui caractérise une émotion. En effet, une émotion correspond à un état relativement bref (de quelques secondes à quelques minutes) provoqué par un stimulus ou une situation spécifique. C’est pourquoi, on parle plutôt de processus émotionnel et des différentes caractéristiques qui le composent. Le schéma ci-dessous développe les étapes de ce processus et ses caractéristiques :

Philippot, 2007

Tout d’abord, on peut observer que ce processus se déclenche face à une situation ; celle-ci pouvant aussi bien être extérieure (un lion surgit devant moi) qu’intérieure (je pense à quelque chose).

  1. Ainsi, on va évaluer la situation : est-elle agréable ou pas ? Est-ce que j’ai la maitrise ou non de cette situation ? Met-elle en péril mes besoins, mes valeurs, mes normes ? Cette évaluation se fait d’après nos « filtres » personnels. Ces filtres se composent de nos croyances, nos valeurs, nos besoins, nos références culturelles, notre éducation, etc. La situation se voit conférer une signification émotionnelle.
  2. Immédiatement, notre organisme va réagir pour faire face au défi que constitue le caractère émotionnel de la situation. C’est la tendance à l’action: notre organisme se prépare à interagir d’une certaine manière avec son environnement : fuir, se cacher, aller vers, aller contre, etc.
  3. Un ensemble de réponses émotionnelles sont alors déclenchées. Il peut s’agir de changements physiologiques (le cœur qui bat plus rapidement), comportementaux (avoir un mouvement de recul), expressifs (l’expression du visage qui change) ou cognitifs (diriger son attention sur un objet phobique). Toutes ces composantes ne sont pas toujours activées. Les réactions qui surviennent sont parfois perçues comme des « réflexes » qui peuvent surprendre, ou surprendre notre entourage. Par exemple, la fuite dans le cas de la peur, le repli sur soi dans le cas de la tristesse, l’envie de frapper dans le cas de la colère, des cris dans le cas de la joie, de la peur, du dégoût, etc. Ces réactions, qui se manifestent comme des réflexes, ne passent pas par le centre de décision de notre cerveau, et sont plutôt le résultat de la partie limbique, appelée aussi « cerveau émotionnel ».
  4. Enfin, suite à tout ce processus, on va « se sentir » / « se ressentir » dans un état différent. Ainsi, après avoir été envahi de peur à la vue d’une araignée, on peut se sentir horrifié, anxieux, en insécurité, etc.

Le tableau ci-dessous illustre quelques ressentis en lien avec des émotions.

Emotions Ressentis
Joie Affection, être comblé, motivé, détendu, assouvi, ravi, vivant, serein, optimiste, amusé, etc.
Tristesse Accablé, découragé, désespéré, démotivé, triste, nostalgique, déçu, démoralisé, etc.
Peur Accablé, anxieux, horrifié, insécurisé, terrorisé, défait, appréhension, etc.
Colère Agacé, agressif, contrarié, fâché, nerveux, furieux, insatisfait, violent, irrité, amer, enragé, etc.
Dégoût Ecœuré, aversion, incommodé, désabusé, horripilé, rejet, répulsion, refus, colère, etc.
Surprise Inattendu, paralysé, émerveillé, étonné, ému, ébahi, embarrassé, stupéfait, etc.

Emotion, sentiment (ressentis), humeur ou tempérament ?

Pour bien comprendre le concept d’émotion, il est important d’établir clairement les différences entre l’émotion et les autres phénomènes affectifs tels que le sentiment, l’humeur et le tempérament.

  • Un sentiment se distingue d’une émotion par une cause plus complexe, une durée plus longue et une intensité généralement plus modérée. Par exemple, après une forte colère, on peut se sentir contrarié durant quelques heures. Le sentiment résulte de constructions mentales qui sont propres à chacun et sont du niveau de l’intime, contrairement à l’émotion dont la manifestation sera plus visible et identifiable.
  • Une humeur dure également plus longtemps (quelques heures à quelques jours) et est d’intensité faible à modérée en comparaison à l’émotion. Elle correspond à une impression diffuse qui a tendance à demeurer à l’arrière-plan. Une humeur n’a pas forcément d’élément déclencheur identifiable et n’a pas un impact direct sur les comportements ou les réponses physiologiques.
  • Le tempérament, c’est comme une « toile de fond », un « état émotionnel de base », une prédisposition à éprouver tel ou tel type d’émotion et d’humeur. Par exemple une personne avec un tempérament négatif est susceptible d’éprouver plus d’émotions négatives que d’émotions positives.

Remarquons que tout est étroitement lié : si le tempérament influence l’humeur ; l’humeur influence à son tour les émotions (p.ex. une personne de mauvaise humeur se mettra d’autant plus facilement en colère). Et à l’inverse l’émotion influence l’humeur qui influence le tempérament.

Comment se manifeste une émotion ?

Une émotion se manifeste par des aspects physiologiques (p.ex. augmentation du rythme cardiaque), cognitifs (p. ex. la pensée « je ne vais pas y arriver ») et expressifs. Sur ce dernier aspect, il est intéressant de remarquer que six émotions possèdent une expression faciale universelle:

  • la joie s’exprime par le sourire et le plissement des yeux ;
  • la tristesse se manifeste par des larmes, un front tombant ;
  • la peur s’observe par un mouvement d’ouverture des yeux ;
  • la colère s’exprime par une vague sur le front, une torsion de la bouche et le plissement des yeux ;
  • le dégout se manifeste par un retroussement du nez et un soulèvement de la lèvre supérieure ;
  • la surprise se manifeste par une bouche ouverte en « O » et les sourcils relevés.

Ces émotions sont appelées « émotions de base » ou « émotions primaires ». Elles sont présentes, a priori, dans toutes les cultures. Notons que de ces émotions de base découlent d’autres émotions dites « complexes » ou « secondaires » : amour, jalousie, déception, culpabilité, honte, inquiétude, etc. Ces émotions ne sont pas présentes dans toutes les cultures et résultent de l’association de plusieurs émotions primaires.

Le rôle des émotions

Les émotions surviennent dans des situations qui ont une signification pour nous. Ainsi, le premier rôle des émotions est d’informer l’individu sur la réalisation de ses objectifs, sur la satisfaction de ses besoins et de ses désirs. Les émotions sont donc toujours porteuses d’un message. Elles sont de bons indicateurs de ce qui est important pour chacun : pour identifier et réagir en fonction de nos besoins tant physiologiques (respirer, dormir, manger, boire) qu’autres (sécurité, affectif, social, reconnaissance, autonomie). Elles occupent des fonctions personnelles (éviter une situation non désirée) mais également interpersonnelles (maintenir une amitié, obtenir de l’aide). Leur utilité dans la communication l’illustre particulièrement bien : il suffit pour cela d’observer l’impact du non-verbal dans la communication et comment les expressions faciales renseignent sur les émotions de l’interlocuteur.

Les émotions ne servent toutefois pas qu’à informer sur le rapport à soi, aux autres et au monde. Elles servent aussi à faciliter notre passage à l’action grâce à la « tendance à l’action ». Permettant l’adaptation à l’environnement, les émotions sont un guide de comportement qui permettent d’agir « vite et bien ». Elles sont utiles pour notre survie et c’est particulièrement vrai dans le cas de la peur qui permet d’alerter d’un danger et mobilise l’énergie pour se protéger (fuir, combattre, etc.). Attention qu’il s’agit bien de tendance à l’action et non de prescription à l’action. L’émotion sert de support à une prise de décision mais n’impose pas un type de comportement.

Il n’y a donc pas de bonnes ou mauvaises émotions, d’émotion à privilégier ou à éviter, elles ont toutes quelque chose à dire.

 L’intelligence émotionnelle

Pourtant, s’il y a des émotions agréables qu’on accueille à bras ouverts (joie, amour, etc.), on tente parfois de contrôler ou d’éviter d’autres émotions moins agréables telles que la peur, la colère ou encore la tristesse. Mais ignorer ou refuser ces émotions peut donner lieu à beaucoup de conséquences négatives : débordements, maux divers, manque de concentration, fatigue, pensées envahissantes, dépression, anxiété, problèmes relationnels, etc.

Si une émotion est là, c’est qu’elle a une utilité. Ne pas prendre le temps d’écouter son émotion serait donc contre-productif, le mieux est justement de prendre le temps de voir ce qu’elle a à exprimer, ce qu’elle traduit de la situation pour qu’elle n’ait plus besoin de se manifester.

On parle aujourd’hui d’intelligence émotionnelle, qui est l’aptitude à reconnaître, à gérer, à exprimer et à utiliser les émotions à des fins constructives.

Cette intelligence émotionnelle – on parle parfois de compétences émotionnelles – présente différentes dimensions qui sont illustrées dans le tableau ci-après :

Dimensions des compétences émotionnelles

Emotions Soi Autrui
Identification Identifier (reconnaître) mes émotions Identifier (reconnaître) les émotions d’autrui
Compréhension Comprendre mes émotions Comprendre les émotions d’autrui
Utilisation Utiliser mes émotions Utiliser les émotions d’autrui
Expression Exprimer mes émotions Être à l’écoute des émotions d’autrui
Régulation Réguler mes émotions Réguler les émotions d’autrui

Alors qu’il est impossible de ne pas éprouver d’émotion, ni de modifier leurs manifestations physiques (ex. devenir rouge de colère), il est toujours possible d’adapter son comportement (je suis en colère contre une personne mais je choisis de lui exprimer calmement pour qu’on s’explique et ainsi diminuer ma colère).

Il existe de nombreuses façons d’améliorer les différentes dimensions de « l’intelligence émotionnelle ». Un des points centraux consiste à développer la conscientisation, l’acceptation et la gestion des émotions. Pour développer ces compétences, il existe une multitude de méthodes : la pleine conscience, la communication non-violente (CNV), la sophrologie, la relaxation, etc. Par ailleurs, l’amélioration de l’hygiène de vie (sommeil, alimentation, sport, etc.) diminuera la vulnérabilité aux émotions négatives. Néanmoins, si une dérégulation émotionnelle semble venir de traumatismes anciens ou de problèmes psychologiques, il est préférable de consulter un spécialiste (psychologue, psychiatre).

Enfin, n’oublions pas que l’émotion est un processus social. Être bien entouré, être capable de demander de l’aide et recevoir un soutien de son entourage offre d’excellentes protections contre la souffrance émotionnelle.

Et pour l’adolescent ?

Les adolescents n’ont pas les mêmes capacités que les adultes à gérer les émotions. En effet, l’adolescence est marquée par d’importants changements hormonaux et physiques dont le développement du cerveau fait partie. Plus spécifiquement, durant cette période, on constate une grande différence de maturation entre deux zones cérébrales : le système limbique (responsable des émotions, centre de la récompense, de la régulation, de l’humeur) et le cortex préfrontal (centre de la réflexion, de la planification, des déductions, etc.). De cette façon, il y a une sorte de désynchronisation entre ces deux parties. Ceci a pour effet chez les adolescents de limiter les capacités d’évaluation, d’attention et de contrôle des pulsions. C’est pourquoi ils sont davantage sujets à des moments d’instabilité, d’impulsivité, de sautes d’humeur mais également, de conduites à risque. En effet, la consommation de diverses substances (drogues, alcool, etc.) est une stratégie souvent utilisée par les adolescents: soit pour inhiber, réduire le temps d’un moment les sensations liées aux émotions; soit au contraire essayer de ressentir quelque chose, tester ses limites, ses peurs.

C’est pourquoi, il est d’autant plus intéressant de questionner et de travailler la régulation émotionnelle avec les adolescents, ou tout du moins – simplement – d’en parler.

Ressources pour aller plus loin

  • Desseilles, M., Mikolajczak, M. (2013). Vivre mieux avec ses émotions. Paris : Odile Jacob.
  • Couzon, E., Dorn, F.(2019). Les émotions : Faire de ses émotions une force. Paris : Edf.
  • Site internet : Je pense aussi à moi, de la Mutualité chrétienne

 

 

Animation FRASBEE

L’émotion entraine des manifestations physiques (tremblements, sourire, rougeurs, transpiration, etc.)  et parfois un comportement qu’on ne peut contrôler. Ces réactions peuvent varier d’un individu à l’autre de par leur nature et/ou leur l’intensité. Nous pouvons apprendre à interpréter ces signaux envoyés par notre corps pour mieux nous connaître et ainsi adapter nos comportements et réactions en fonction des possibilités.

L’émotion entraine des manifestations physiques (tremblements, rougeurs, transpiration, etc.)  et parfois un comportement qu’on ne peut contrôler. Il est tout à fait possible d’apprendre à travailler son vécu des émotions (exercice de respiration, etc.) mais il est également important de l’accueillir et de ne pas empêcher son expression.

A l’adolescence, les modifications hormonales importantes et le développement cérébral amplifient  les réactions et les ressentis, d’autant plus que les jeunes vivent des bouleversements permanents. En grandissant, les expériences vécues par le jeune vont créer de nouvelles connexions dans son cerveau, lui permettant de développer de nouvelles compétences ainsi que sa capacité à mieux moduler ses émotions.

Face à la tristesse, certains vont pleurer, se refermer sur eux-mêmes, etc. En effet, l’émotion peut être « déchargée » par des larmes ou d’autres comportements (efforts physiques, chanter, crier, jurer, taper dans un coussin, etc.) ou même ne pas être exprimée.

La peur est une émotion naturelle qui provoque une réaction réflexe nécessaire pour nous protéger. Mais, parfois, cette réaction est démesurée ou inappropriée. Il est cependant possible de trouver des astuces pour faire face à la peur : prendre du recul, évaluer les risques réels, changer son regard, etc., précisons aussi que beaucoup de nos émotions sont uniquement déclenchées par nos pensées, sans qu’aucun évènement ne se soit produit.

Les émotions se traduisent par des manifestations physiques et des comportements qui peuvent varier d’une personne à l’autre. La tristesse peut amener à se renfermer sur soi-même. Cela n’est pas forcément négatif, nous avons parfois besoin de solitude pour réfléchir.  L’important est de ne pas ressasser des idées noires.  Pour en sortir, aller vers les autres peut aider, si toutefois ceux-ci sont soutenants et positifs.

Les larmes sont une manifestation physique naturelle provoquée par diverses émotions dont la tristesse. L’expression d’une émotion n’est pas synonyme de faiblesse. Il est important de ne pas réduire une personne à une émotion exprimée dans un contexte donné.

Les émotions sont nombreuses, et la manière de les ressentir varient encore plus selon les individus. Nous ne sommes pas tous égaux en termes de compétences émotionnelles. Certains auront plus de faciliter à exprimer les émotions telles que la joie, et donc à les partager. D’autres personnes auront plus de difficultés à les exprimer, mais auront cependant une grande capacité à ressentir celles des autres. Toutes les émotions peuvent ainsi être contagieuses en fonction de la personne qui exprime cette émotion et celle qui la reçoit.

Les émotions intenses comme la colère s’expriment parfois avec de l’agressivité (physique et/ou verbal), tournée vers soi ou vers ce qui nous entoure (des objets, ou des personnes). Ces pulsions semblent souvent incontrôlables. Il est pourtant possible d’apprendre à les canaliser en développant différentes méthodes de gestion des émotions : les techniques de respiration, l’apprentissage d’une communication non-violente, la pratique d’une activité physique, etc. L’essentiel est de trouver la stratégie qui convient à chacun.

Documents à télécharger

Ci-dessous, il est possible de télécharger le dossier « Emotions » reprenant tout le contenu théorique de cette page thématique afin de préparer l’animation. Il est également possible de télécharger le fichier d’animation Frasbee de cette même thématique. Une fois imprimé, il vous suffira de découper les phrases de débat que vous souhaitez utiliser lors de l’animation.

Tous les dossiers théoriques, thématiques et les fiches d’animation Frasbee sont également téléchargeables depuis la page Supports

Thématiques associées

Si vous souhaitez approfondir ce sujet, n’hésitez pas à compléter son contenu et les phrases d’animation avec une des thématiques ci-dessous. Selon votre cadre et le temps dont vous disposez, la combinaison de sujets complémentaires peut augmenter la richesse des débats et favoriser la participation des jeunes. Cependant, il est recommandé de ne pas sélectionner plus de 10 phrases débats en associant plusieurs thématiques. Choisissez-les en identifiant au préalable les thèmes de débat que vous souhaitez encourager chez les jeunes.